Le groupe Bolloré qui gère le terminal à
conteneurs du port de Douala entend ajouter le port en eau profonde de
Kribi dans son escarcelle. Seule menace sérieuse : les firmes chinoises
déjà présentes dans la construction du nouveau port de Kribi. En
attendant les résultats des appels à manifestation, Achille Mbog Pibasso
décrypte les enjeux de cette énième confrontation entre Chinois et
Français.
La bataille entre les firmes chinoises et
françaises déjà épique dans les secteurs des télécommunications, de
l’eau, des travaux publics et du bâtiment, avec des fortunes diverses
pour l’une et l’autre parties, va se poursuivre et s’intensifier. Cette
fois-ci, les deux parties sont en concurrence pour la gestion portuaire,
en l’occurrence, le terminal à conteneurs du port en eau profonde de
Kribi dont les premiers bateaux sont attendus en 2013. Alors que les
résultats des appels à manifestation lancés par le gouvernement restent
attendus, les sources proches du dossier, aussi bien dans les services
du Premier ministre qui pilotent l’opération, qu’au ministère de
l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire,
chargé du suivi technique de l’opération, révèlent que les Français et
les Chinois sont au coude à coude.
L’offensive du groupe Bolloré
Malgré la forte concurrence et la longue
protestation judiciaire du groupe espagnol Progosa dans l’attribution,
il y a quelques années, de la Douala International Terminal (DIT), le
groupe Bolloré dont la concession de quinze ans court jusqu’à 2020
ambitionne également de contrôler le terminal du port en eau profonde de
Kribi dont les perspectives de développement démontrent qu’il sera
l’une des plus importantes places portuaires en Afrique subsaharienne.
Le président de Bolloré Africa Logistics (BAL), Dominique Lafont, ne
fait pas de mystère quant aux ambitions de son groupe : «Concernant le
port en eau profonde de Kribi, pour Bolloré Africa Logistics que je
représente, il s’agit d’un projet essentiel pour le développement
économique du Cameroun. Aujourd’hui, le Cameroun doit accroître sa
capacité portuaire. Il apparait clairement, compte tenu de la place
économique du Cameroun, que le pays aura besoin des ports modernes. Nous
avons toujours répondu favorablement aux sollicitations émanant des
autorités, et c’est parfaitement normal de répondre présent lorsque vous
êtes l’un des premiers employeurs privés au Cameroun. Nous avons
répondu aux appels à manifestation d’intérêt. Nous sommes convaincus que
ce projet va apporter davantage de croissance économique et de
développement au Cameroun», a indiqué le représentant de Vincent
Bolloré.
Dans le secteur de la manutention,
l’existence du groupe Bolloré qui se présente comme «une référence
portuaire en Afrique» est significative sur les côtes africaines.
Bolloré Africa Logistics gère les terminaux des ports d’Abidjan, Lomé,
Cotonou, Pointe-Noire, Conakry, Port-Gentil, Douala, au point que seul
Dakar contrôlé par le groupe qatari DP World échappe à son contrôle.
Depuis 2005, DIT a connu une hausse de plus de 60% de son trafic.
L’accroissement de la productivité, la simplification des procédures, le
développement des équipements et un système informatique de pointe ont
permis de maîtriser cette augmentation, tout en améliorant la qualité de
services. DIT prévoit d’investir plus de 30 milliards F CFA dans la
poursuite de la modernisation du terminal à conteneurs du port de
Douala. Ceci ayant pour corolaire, la modernisation des installations,
la simplification des procédures et l’accroissement de la productivité. A
en croire les responsables du groupe français, «avec ses cadences de
manutention de navires au-delà des 20 mouvements/h, et des opérations de
livraison inférieures à 45 minutes par conteneur, DIT est dans le trio
de tête des meilleurs terminaux du continent».
Les visées chinoises
L’Empire du Milieu qui s’est impliqué
dans la construction du complexe portuaire de Kribi en mobilisant (à
travers EXIMBANK) plus de 50 % des 282 milliards de F CFA nécessaires
pour la réalisation de cette infrastructure, se verrait bien gérer le
terminal à conteneurs du port de Kribi. Il y a quelques semaines, le
vice-ministre chinois des Transports, Gao Hongfeng, a visité les sites
devant abriter les installations portuaires. D’après lui, «la Chine
entend jouer un rôle essentiel dans le développement du port, et Kribi
jouit d’un site naturel pour être un bon port en eau profonde. C’est un
important projet que nous comptons mener avec le gouvernement
camerounais. La Chine va partager son expérience en la matière avec
Cameroun dans l’exploitation des différents terminaux». Déjà, la Chine
se propose de relier la ville de Kribi au site de Mboro, distants d’une
trentaine de kilomètres, par une route bitumée. Selon toute
vraisemblance, «la Chine n’entend pas apporter des fonds dans la
construction du port pour que l’une des activités les plus juteuses lui
échappe», indique une source proche du dossier.
Les installations du port en eaux
profondes de Kribi, a expliqué Louis Paul Motazé, coordonnateur du
projet et secrétaire général des services du Premier ministre, vont se
développer sur les sites de Mboro. Ce sera un port général comportant
plusieurs terminaux, à savoir : conteneur, aluminium, hydrocarbures, et
polyvalent. Sur le site de Lolabé, situé à 4 km au Sud de Mboro, il est
prévu un autre terminal minéralier, en appontement. Le port général
permettra l’accueil de grands navires de commerce d’une capacité allant
jusqu’à 100 000 tonnes et d’un tirant d’eau de 15 à 16 mètres. Il sera
complémentaire du port de Douala, et palliera les insuffisances de ce
dernier jusqu’ici limité aux navires de 15 000 tonnes et 6 à 7 mètres.
Plus de 400 000 emplois directs et indirects verront le jour, avec une
diversification industrielle qui fera de cette région, un pôle de
développement économique pour la sous-région.
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