Friday, December 31, 2010

Detruire Internet: Hu Jintao en a rêvé, Obama le fait

Le parti démocrate, on le sait, n’est plus ce qu’il était voici quarante ans. Il est aujourd’hui dominé par des gens dont les idées sont clairement liberticides. Ces gens entendent faire aux Etats-Unis ce qui a déjà été fait en Europe : prendre en main les moyens d’information et maintenir un simple simulacre de pluralisme. 
 
La radio de commentaire politique leur échappant largement, et une chaîne de télévision (Foxnews) n’étant pas assujettie à leurs idées et à leurs visions du monde, ils ont élaboré ces dernières années une doctrine de l’équitabilité (« fairness doctrine ») qui, si elle était mise en œuvre et pouvait acquérir force de loi, contraindrait les radios et la chaîne de télévision qui leur déplaisent, à accorder un temps de parole équivalent à celui dont disposent aujourd’hui les commentateurs qui y travaillent, à des commentateurs jugés à même de « rétablir l’équilibre » par les instances gouvernementales. Dès lors que ce qui incite des gens à écouter certains programmes radiophoniques tel celui de Rush Limbaugh, et à regarder certains programmes télévisés tel celui de Glenn Beck, est qu’ils y entendent et voient ce qu’ils ne peuvent entendre et voir ailleurs, on peut légitimement penser que si on leur impose, pour contrebalancer Rush Limbaugh ou Glenn Beck, l’équivalent de ce qu’ils entendent et voient partout ailleurs, ils cesseront d’écouter la radio et de regarder la chaîne de télévision concernées pendant le temps où passeront les programmes censés « contrebalancer », ce qui se traduira par une chute d’audience et par une baisse des recettes publicitaires à même de mettre en péril l’équilibre économique de ces radios et chaînes de télévisions, et c’est l’objectif recherché. Pour l’heure, la « fairness doctrine » est toujours dans les tiroirs. Mais elle n’est pas destinée à y rester. 
 
Certains titres de la presse écrite américaine se trouvant de moins en moins lus et connaissant des pertes financières astronomiques, et la défiance du public vis-à-vis de ces titres semblant irrémédiablement croissante (de plus en plus d’Américains savent que les informations fiables ne sont pas celles publiées dans Newsweek et le New York Times), les démocrates entendent renflouer les titres de presse écrite concernés et les subventionner de manière permanente : ce qui permettra à ces titres de continuer à exister quand bien même ils n’auraient plus, ou pour ainsi dire plus, de lecteurs. Ces projets de subvention sont aujourd’hui à l’étude, et devraient être proposés au Congrès dans les mois qui viennent : les Républicains se verront demander de « sauver la presse écrite», et, s’ils refusent, se trouveront placés dans le mauvais rôle et dépeints comme des « ennemis de la liberté ». 
 
Cela dit, le média essentiel à se trouver visé est internet. Une décision prise ces derniers jours par Barack Obama, sans que le Congrès sortant y trouve à redire (bien sûr) a consisté à placer internet sous la supervision de la Commission Fédérale de la Communication (à la tête de laquelle Barack Obama a nommé Julius Genachovski, l’un de ses fidèles), en lui demandant de mettre en œuvre la « neutralité d’internet » (net neutrality) : sous ce nom anodin et d’apparence aimable se trouve inscrite la possibilité donnée à la FCC de contrôler les flux et l’accès à ceux-ci. Pour l’heure, les seuls contrôles étaient ceux exercés au nom de la sécurité nationale et de la lutte contre le terrorisme : des contrôles plus larges et exercés pour de tout autres motifs sont désormais à même de se mettre en place. 
 
Cette décision, très grave en soi, et essentiellement contraire au premier amendement de la Constitution des Etats-Unis (un recours contre elle doit être présenté à  la Cour Suprême), survient en une période où il apparaît que les contrôles qui devraient être exercés aujourd’hui ne le sont pas, ou très mal (affaire Wikileaks), ou, disons, très étrangement.
 
Elle survient aussi alors que commencent à apparaître au grand jour les conséquences d’une décision plus ancienne, prise par l’administration Obama à la fin du mois de septembre 2009, et qui consistait à changer les statuts de l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), qui est en charge de l’allocation de l’espace des adresses de protocole Internet (IP), de l’attribution des identificateurs de protocole, et de la gestion du système de noms de domaine, en rompant les liens de celle-ci avec le gouvernement américain, et en l’incitant à internationaliser sa gestion. 
 
Cette internationalisation intéresse l’Union Européenne, ou plus exactement, la structure technocratique qui régit l’Union Européenne, cela va de soi. Elle intéresse surtout ce club de dictatures qui prétend dire le « droit international », et qui s’appelle l’Organisation des Nations Unies, et elle intéresse, tout particulièrement au sein de ce club, le régime chinois, qui a une vision très particulière d’internet (demandez à Liu Xiaobo), le mouvement des pays dits « non alignés » et l’Organisation de la Conférence Islamique. 
 
L’ICANN redéfinie devrait être gérée par un « bureau des directeurs » reposant sur une répartition des sièges  en cinq régions : l’Afrique, l’Asie-Pacifique, l’Europe et l’Amérique du Nord, l’Amérique latine et les Caraïbes, les pays arabes. Chaque région devrait disposer de cinq sièges. Les décisions devraient être prises à la majorité qualifiée. 
 
L’Union Européenne se partagera donc cinq sièges avec les Etats-Unis (comment, ce n’est pas dit encore). Les pays arabes, qui deviennent ainsi une « région », disposeront de cinq sièges également. Deux des cinq sièges de l’Asie Pacifique reviendront à la Chine. Le nombre de pays « non alignés » en Afrique et en Amérique latine permettent de penser que les sièges attribués à ces régions seront entre leurs mains. 
 
Cela peut se traduire ainsi : les démocraties seront désormais minoritaires au sein de l’ICANN, l’alliance pays musulmans et pays non alignés y sera nettement majoritaire. 
 
La nouvelle structure n’est pas encore en place, mais on n’a aucune difficulté à imaginer ce qu’elle pourrait décider si elle devenait fonctionnelle. 
 
Jamais une administration américaine n’avait à ce degré porté atteinte aux intérêts de son propre pays et à ceux de la liberté de parole dans le monde. 
Je serais tenté de dire : Hu Jintao en a rêvé, Obama le fait. 
 
L’Organisation de la Conférence Islamique, ne perdant pas de temps, a d’ores et déjà demandé que tout signalement aux autorités compétentes par l’ICANN de la demande de noms de domaines par des organisations définies comme terroristes par les Etats-Unis soit abolie. Elle a transmis une liste de sites dont elle demanderait la fermeture, tels Jihad Watch. 
 
Au nom des pays « non alignés », le Brésil a présenté à l’assemblée générale des Nations Unies voici quelques jours un projet de mise en place d’une instance chargée de la mise en place de critère globaux de surveillance d’internet. Cette instance pourrait fort bien voir le jour et travailler en coordination avec l’ICANN nouveau modèle. 
 
Internet en tant qu’instrument essentiel de la liberté de parole, d’information, de connaissance et de commerce survivra-t-il aux années Obama ? Sans doute. Internet survivra-t-il intact ? La question mérite d’être posée. Elle le mérite d’autant plus que j’ai vu fort peu d’articles abordant le sujet pour le moment. La phrase de Thomas Jefferson qui sert de devise à Drzz est plus que jamais d’actualité : « Le prix de la liberté est la vigilance éternelle ». Oui !

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