C’est à juste titre qu’en cette fin d’année 2011, de nombreux sénateurs français s’inquiètent de la capacité de Paris à honorer ses engagements entre 2012 et 2015 en matière d’aide publique du développement. […] Mais les mesures pour endiguer la déréglementation ou déjouer les avantages tirés des paradis fiscaux ou encore la prise de pertes par les banques qui ont fait des arbitrages hasardeux sur des marchés spéculatifs ne sont toujours pas à l’ordre du jour…
1. La France et l’aide publique au développement: promesses non tenues
La France avait promis de consacrer à nouveau 0,7 % de sa richesse nationale (produit intérieur brut) à l’aide au développement en 2015. En 2010, avec 0,5 %, tout portait à croire que c’était possible. Avec la dégradation à 0,46 % en 2011, l’examen de la loi de finance 2012 devant le Sénat par le ministre en charge de la Coopération Henri de Raincourt n’a convaincu personne. Le Secrétaire d’Etat au Commerce extérieur Pierre Lellouche a volé à son secours en rappelant que la France demeure “le troisième bailleur mondial”. Mais la France n’a réussi à dépasser 10 milliards d’euros d’aide publique au développement qu’en 2010. Il y a donc à ce jour un non-respect des engagements du G8 pris à Gleneagles (Royaume Uni) en 2005. Rappelons toutefois que les engagements pris prévoyaient “une aide additionnelle de 50 milliards de dollars des Etats-Unis” dont la moitié devait être destinée à l’Afrique d’ici 2010. Pour cette partie, c’est raté. Il y a eu une autre promesse de mettre en place un calendrier selon lequel les pays du G8 atteindraient les 0,7 % de leur revenu national brut, objectif fixé depuis les années 1960 par les Nations Unies en matière d’aide publique au développement. Cinq pays seulement l’ont atteint en 2009 : Suède, Luxembourg, Norvège, Danemark et Pays-Bas.
2. Aide liée ou soutien au commerce extérieur français ?Alors quand Pierre Lellouche exige des contreparties aux 10 milliards “d’aide au développement” de la France, il ne fait que renforcer le fait que l’aide est liée et le sera de plus en plus avec des conditionnalités nouvelles comme des conditionnalités sur les droits humains et la démocratie. Le problème est que ces conditionnalités sont appliquées selon des approches politiques, c’est-à-dire à la tête du client selon qu’il ou elle défend les intérêts de la France ou facilite le retour sur investissement pour les entreprises françaises. Quoi de plus naturel ! Sauf que lorsque c’est la Chine qui le fait ou les Etats-Unis, la France râle et crie au scandale sur la concurrence.
La réalité, en Afrique tout au moins, c’est que de nombreuses entreprises de la Françafrique, c’est-à-dire celles qui utilisent le soutien du pouvoir français, direct ou indirect sur les dirigeants africains pour obtenir les contrats, sont de moins en moins compétitives. Il y a lieu de rappeler alors la fameuse phrase du Général de Gaulle prononcée en 1971 : “Cet argent que nous donnons pour l’aide aux pays sous-développés, n’est de l’argent perdu à aucun point de vue. Je considère que c’est un très bon placement”. Il est clair que Pierre Lellouche est l’héritier du Gaullisme en matière d’aide publique au développement. Il déclare en substance : “La France a d’autres vocations que de devenir un grand bureau d’études gratuit, sans contrepartie. On ne peut pas accorder plus de 10 milliards d’euros au titre de l’APD sans se demander comment nos emplois pourraient en tirer profit” [1]. Ce n’est pas cela qui améliorera toutefois les performances médiocres du commerce extérieur de la France en 2011.
3. De la mallette officieuse à la valise officielle, des intérêts bien compris
Aussi après les contreparties officieuses que constituaient les “mallettes” qu’il a transportées, l’avocat et conseiller spécial et officieux de Nicolas Sarkozy, Robert Bourgi n’aura bientôt plus besoin de prouver quoi que ce soit. La nouvelle stratégie affichée de la France est d’officialiser les contreparties de l’aide au développement. Vivement les mallettes et les valises non accompagnées suite à l’octroi d’une aide publique au développement de la France. Il faudra néanmoins que la transparence suive, ne serait-ce que pour savoir si toute l’aide publique au développement est retournée en France, sans déperdition… ce que certains continuent à dénommer “corruption”.
Les parlementaires français comme africains doivent rendre compte. Il y va de la vérité des comptes publics. Pour ce faire, il importe d’inscrire comme une obligation la production d’un rapport conjoint (France et pays africains avec la participation des organisations de la société civile indépendante). Ce rapport comptable et détaillé devra être complet et public afin de ne plus duper ni le contribuable occidental, ni le bénéficiaire africain qui ne voit toujours pas la couleur de l’argent. Il n’y a pas en la matière de racisme. Une forme de solidarisme non contractuel en somme [2].
2. Yves Ekoué Amaïzo (2010). Crise financière mondiale. Des réponses alternatives de l’Afrique, “collection interdépendance africaine”, éditions Menaibuc : Paris.
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