Friday, January 28, 2011

Les services de renseignements africains attendus sur le front économique

Les scandales d’espionnage économique qui éclatent plus souvent dans les pays industrialisés depuis la guerre froide ne signifient pas que l’Afrique est à l’abri. Au contraire. Partout dans le monde, les services de renseignement sont désormais attendus sur le front de la guerre économique. Y compris en Afrique. D’après les analystes, seuls l’Afrique du Sud, la Libye, Maurice, le Nigeria, le Rwanda et, dans une moindre mesure, l’Algérie sont dotés – au sein de leurs services de renseignement – d’unités spécialisées qui sont (ou s’apparentent à) des dispositifs d’intelligence économique acceptables. Ce dernier qualificatif renvoie, dans notre nomenclature, à un niveau égal ou supérieur à 5/10 au regard des défis économiques du pays concerné.

Dans la quasi-totalité des autres Etats africains, les services de renseignement restent encore largement absorbés par l’anticipation et la gestion des troubles à l’ordre public et à la surveillance de « l’ennemi intérieur ». De 2005 à 2010, par exemple, les services intérieurs et extérieurs des six pays de la zone CEMAC (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad) ont consacré 70 à 80% de leurs budgets aux opérations liées à l’ordre public, d’après notre estimation.
 
Quelle protection pour les businessmen ?
 
Contrairement aux apparences, plusieurs catégories d’hommes d’affaires et de donneurs d’ordres africains, ainsi que leurs proches, font régulièrement l’objet de surveillances, comme nous le verrons plus loin. Face à l’exacerbation de la concurrence internationale, certains expriment de plus en plus le besoin d’être accompagnés par les services de renseignement ou des cabinets d’intelligence économique nationaux, comme on peut le voir dans d’autres pays. Pour répondre à ce besoin, les Renseignements du Royaume-Uni ont par exemple conçu un manuel de protection destiné aux businessmen britanniques qui se rendent en Chine (Security Advice for Visitors in China) en 1990. On y apprend, entre autres, que « les visiteurs en Chine devraient savoir que tous leurs documents privés ou professionnels sont en péril s’ils restent dans les bureaux ou les chambres d’hôtel (même s’ils sont enfermés à double tour dans une valise) ».
 
« Nous traquons vigoureusement la corruption »
 
La Chine n’est évidemment pas un cas isolé. Loin s’en faut. En 1947 déjà, en pleine guerre froide, les Etats-Unis et le Royaume-Uni signèrent un accord secret de coopération des personnels et systèmes de renseignement électronique (UKUSA) qui devint célèbre sous le nom de code Echelon. Lorsqu’au début des années 50 l’Europe entreprit de critiquer ce gigantesque dispositif d’écoutes, James Woolsey, ancien directeur de la CIA, fit cette réponse : « Nous traquons vigoureusement la corruption. Et on peut dire que l’Europe est la capitale mondiale de la corruption. Les entreprises européennes ont l’habitude de décrocher des contrats par la corruption en Asie, en Amérique latine et au Proche-Orient, qu’ils ne pourraient pas obtenir en respectant les règles du jeu… »
 
Les cibles africaines sont « profilées »
 
Qu’ils soient décideurs, opérateurs économiques d’importance – comme nous l’annoncions plus haut –, responsables d’ONG, leaders syndicaux, journalistes de renom, ou représentants au sein des organisations internationales, un certain nombre de cibles africaines sont « profilées » (profiling) de la pointure de leurs chaussures à leurs hobbies et goûts alimentaires, en passant par l’adresse de leurs coiffeur, médecin ou banquier, ainsi que leurs orientations religieuse et sexuelle, etc. Dans trois cas sur quatre, ce travail complémentaire de collecte et d’analyse du renseignement, réalisé sur commande par des services étatiques ou des cabinets d’intelligence économique (à des fins de compétitivité), est décisif dans les affaires. Ses résultats sont visibles dans les signatures de contrats stratégiques, la recherche et le développement, le lancement de produits, la maîtrise d’un environnement hostile, la déstabilisation d’un concurrent, ou le succès d’une opération d’influence.
 
Les mobiles cachés des marques d’attention
 
Invités tous frais payés à des colloques internationaux, à des voyages d’affaires ou à des sessions de formation à l’étranger, un grand nombre d’acteurs économiques et de leaders d’opinion africains se méprennent quelquefois sur les mobiles de ces marques d’attention. Au nom de « l’amitié entre les peuples », de « la réduction de la fracture numérique » ou des cadeaux d’affaires, d’aucuns reçoivent des ordinateurs, caméras, clés USB, etc. aux fonctionnalités un peu particulières... Sans pour autant leur insuffler la paranoïa liée à leur métier, il est urgent que les Renseignements africains aient un terrain de dialogue avec le monde des grandes entreprises pour les sensibiliser et les accompagner. Les services de renseignement, rappelons-le, ont principalement pour mission de protéger les intérêts de leur pays et leurs ressortissants partout dans le monde, d’empêcher les puissances étrangères de collecter les secrets de leur Etat, et de collecter les leurs. La protection du patrimoine économique et scientifique national entre parfaitement dans leur champ de compétence.
 
L’aide des services spéciaux n’est pas de trop
 
Que ce soient pour les besoins de protection des acteurs économiques, de défense des secteurs névralgiques ou de promotion des économies africaines, les services de renseignement sont plus que jamais attendus sur le front économique. C’est ce qu’a bien compris Vladimir Poutine, Premier ministre de Russie, lorsque le 18 décembre 2010 il a solennellement convié les Renseignements extérieurs russes à contribuer activement au développement de leur pays. « Alors que nous avons des objectifs de modernisation économique, l’aide des services spéciaux n’est pas de trop », a conclu l’ancien officier opérationnel du KGB.

3 comments:

Anonymous said...

Very interesting article! But who is the author? And where is the "open source"of this paper? Thanks for all!

Mick Andrews said...

Well, more important than the author is the content of the article, and by confronting several contents of the same subject it is possible to reach a fair analysis regardless the author. The article itself is an open source. Thanks and hope to see you back to blog.

Mick Andrews said...

Well, more important than the author is the content of the article, and by confronting several contents of the same subject it is possible to reach a fair analysis regardless the author. The article itself is an open source. Thanks and hope to see you back to blog.