LE 30 août 2009, la victoire écrasante du Parti démocrate japonais (PDJ, centre gauche) aux élections législatives a mis fin à cinquante-quatre années de règne des conservateurs du Parti libéral démocrate (PLD). Le PDJ contrôlait déjà le Sénat, dans le cadre d’une alliance conclue avec le petit Parti démocrate social (PDS) et le minuscule Parti du peuple (PP). Compte tenu de la complète désorganisation du PLD, qui a perdu 177 de ses 296 sièges, le PDJ a les mains libres pour mettre son programme en œuvre.
Le nouveau Premier ministre, Ichirô Hatoyama, a comparé cette alternance avec la Restauration de Meiji, qui fit basculer le Japon de la féodalité dans la modernité en 1868. Le PDJ a promis d’accomplir de profondes réformes. Il entend moderniser un système politique peu efficace face à la crise multiforme dans laquelle l’archipel se débat depuis les années 1990, repenser la logique du modèle économique que cette crise a malmené, refonder le contrat social qu’elle a ruiné, repositionner le Japon sur la scène internationale en prenant plus de distance par rapport aux États-Unis. On attend aussi des démocrates une meilleure prise en compte des évolutions du système des valeurs – par exemple en abaissant à 18 ans l’âge de la majorité, en autorisant les femmes mariées à conserver leur nom de jeune fille, voire en donnant le droit de vote aux résidents étrangers pour les élections locales.
Outre la relative hétérogénéité du PDJ et son inexpérience, les obstacles ne manquent pas : une dette publique supérieure à 200 % du PIB ; une économie affectée par la crise mondiale depuis 2008 ; une démographie dont le déclin est préoccupant ; le basculement de la puissance, en Asie, au profit du géant chinois ; sans compter l’hostilité de l’administration et la méfiance du monde des affaires à l’égard du PDJ, et la volatilité d’une opinion japonaise en quête de certitudes et de nouveaux repères.
Le défi de la modernisation du système politique
Lors des élections législatives, les Japonais votent une fois dans le cadre de 300 circonscriptions locales (au scrutin uninominal), et une fois dans le cadre de 11 blocs régionaux (à la proportionnelle). Le 30 août 2009, le PDJ a obtenu 47,4 % des voix dans les premières et 42,4 % dans les seconds, remportant 308 des 480 sièges. Bien que nombre de leurs promesses aient laissé l’électorat sceptique, les démocrates ont été portés par un désir irrésistible de changement. Un tiers des électeurs du PLD a abandonné un parti discrédité par son incapacité à sortir le pays de ses difficultés. Mais, au-delà, c’est tout le système politique dont la crise a révélé que, après avoir fait de l’archipel une grande puissance, il est aujourd’hui usé jusqu’à la corde.
Le défi du népotisme
Le Japon apparaît comme un cas d’école des dysfonctionnements engendrés par une trop longue confiscation du pouvoir. En un demi-siècle, nombre de circonscriptions étaient devenues des fiefs héréditaires du PLD. Tous les chefs de gouvernement qui se sont succédé depuis 1993 avaient hérité d’un siège parlementaire familial. Le poste de Premier ministre lui-même était devenu un apanage quasi dynastique ; les trois derniers titulaires du poste avaient été précédés dans la fonction par leur père ou leur grand-père. À la différence des héritiers américains, qui doivent affronter des primaires dès le début de leur carrière, les rejetons de l’élite conservatrice nippone n’ont pas à mériter le pouvoir. Au Japon, le prix du ticket d’entrée en politique est prohibitif ; vers 1990, pour un nouveau venu conservateur, le coût d’une première élection législative approchait 500 millions de yens (environ 2,4 millions d’euros). Hériter d’une machine électorale et de réseaux de financement familiaux constituait donc un avantage décisif, ce qui explique que, en 2009, près de la moitié des députés et la quasi-totalité des dirigeants du PLD étaient des héritiers.
Cette classe politique recrutée par le privilège de la naissance manquait parfois cruellement de caractère et de manières, tel ce ministre des Finances qui, en 2009, parut en état d’ébriété avancée lors d’une réunion du G7 à Rome. Élevée en vase clos, elle n’était plus en mesure de saisir les attentes de la société. Avec l’appoint du parti bouddhiste Kômeitô, le très populaire Junichirô Koizumi (2001-2006) avait donné au PLD une majorité écrasante à la Chambre des députés, solide au Sénat. Ses successeurs n’ont mis que trois ans à ruiner ce succès. Shinzô Abe, dont la popularité approchait 70 % quand Koizumi lui transmit le pouvoir, perdit le Sénat neuf mois plus tard pour s’être consacré à poursuivre un agenda idéologique hérité de son grand-père (ranimer le patriotisme à l’école, préparer une révision constitutionnelle) dont les Japonais, aux prises avec la crise, se souciaient fort peu. Le conciliant Yasuo Fukuda (71 ans) jeta l’éponge après un an de guérilla menée contre les multiples factions de son propre parti. Tarô Asô enterra le PLD. Ce fils de famille, beau-frère d’un prince impérial, était plus connu en raison de son goût pour les bars de luxe et les mangas que pour son sens politique. Il hésita une année entière à dissoudre la Chambre des députés, s’enfonçant dans l’impopularité à mesure que la crise mondiale ébranlait tout le pays, et laissant au PDJ tout le loisir de préparer le scrutin.
La question des parlementaires héritiers (seshûgiin) est devenue polémique. L’interdiction aux fils, gendres et cousins des députés sortants d’être candidats après eux a été évoquée. Le raz-de-marée démocrate a apporté une solution temporaire au problème en faisant entrer à la Chambre une nouvelle génération, qui ne compte pratiquement aucun héritier. Par ailleurs, de multiples instituts se sont donnés pour mission de former des politiciens modernes, et de leur enseigner les secrets de la communication. Le plus ancien, créé en 1979 par le fondateur du géant de l’électronique Matsushita, a formé 27 des députés du PDJ (6 du PLD), 3 de ses sénateurs, et 2 ministres très en vue du cabinet Hatoyama. Des associations de toutes obédiences travaillent aussi à susciter des vocations politiques au sein de la jeunesse. Il devrait en résulter un changement significatif dans le recrutement et la reproduction de l’élite politique.
Le défi d’un parti hétérogène
Créé en 1996, le jeune PDJ n’apparaît pourtant pas entièrement exempt des maux qui ont accablé le vieux PLD. Le Premier ministre Hatoyama, un de ses deux fondateurs, est le très riche rejeton d’une puissante dynastie conservatrice, et son grand-père dirigea le premier gouvernement PLD de 1955 à 1957. Ichirô Ozawa, secrétaire général du PDJ, occupa jadis le même poste au PLD, où il était le poulain de deux légendaires « parrains »... Maître d’œuvre de la campagne victorieuse, Ozawa s’est attaché la plupart des 143 nouveaux élus démocrates, ce qui en fait le véritable homme fort du parti. Mais si Hatoyama et Ozawa sont des héritiers, et si leur rivalité est notoire, ce sont aussi des hommes de caractère et d’expérience. Après avoir quitté le PLD en 1993, ils ont lutté pendant seize ans pour revenir au sommet. Ils ont vécu l’échec d’un premier gouvernement anti-PLD en 1993-1994. Hatoyama était ministre dans ce cabinet et Ozawa en tirait les ficelles. Instruits par cette expérience, ils pourraient faire mentir ceux qui prédisent que le PDJ ne résistera pas à l’épreuve du pouvoir.
Depuis sa naissance, le PDJ a recueilli tous les éclopés d’un système politique que la crise ébranlait. Des rescapés du Parti socialiste – qui a implosé en 1996 – y côtoient d’anciens poids lourds du PLD. D’autres viennent du milieu associatif, comme Naoto Kan, co-fondateur du parti avec Hatoyama, qui en a fait son Vice-Premier ministre. Encore plus important est le contingent de syndicalistes de Rengo, la centrale géante qui a unifié l’essentiel du mouvement ouvrier dans les années 1980. Ses 6,5 millions de membres fournissent au PDJ l’essentiel de sa capacité militante et une bonne partie de son financement. Hatoyama a confié à d’anciens syndicalistes le poste-clé de secrétaire général et porte-parole du gouvernement, le portefeuille de l’Économie et du Commerce extérieur, ainsi que celui de l’Éducation. Son premier cabinet comptait dix ministres venus de la gauche, cinq anciens du PLD, et cinq venus d’éphémères formations réformatrices nées et tôt disparues dans les années 1990.
Aux héritiers sans envergure ont succédé des responsables ayant une solide formation, ayant effectué une vraie carrière professionnelle, ou disposant d’un passé de militants ou d’élus locaux. Les médias ont baptisé le nouveau gouvernement « le cabinet scientifique », en hommage à Hatoyama et à Naoko Kan, tous deux diplômés en ingénierie. Cette équipe devrait être davantage à l’écoute d’une société traumatisée et exaspérée par la crise, et plus rationnelle dans ses politiques. À condition de pouvoir véritablement gouverner.
Le défi du mode de gouvernance : « leadership politique » versus bureaucratie
Pour ses débuts, le cabinet Hatoyama a montré une vigueur inédite dans la décision. Il a aussitôt gelé l’exécution d’un budget supplémentaire voté à la hâte par un PLD à l’agonie, contraint les ministères à y retrancher l’équivalent de 22 milliards d’euros, puis à réviser en six semaines leurs demandes budgétaires pour 2010-2011 en fonction des nouvelles priorités (l’année fiscale japonaise commence le 1er avril et finit le 31 mars). Significatif de cet esprit de décision, l’arrêt immédiat de la construction d’un gigantesque barrage érigé en symbole du gaspillage clientéliste, en dépit de protestations furieuses, a fait la une de l’actualité pendant un mois entier.
Sous le régime PLD, le processus de décision était opaque et lent. La haute administration et les parlementaires y jouaient le rôle principal, aux dépens du gouvernement et de son chef. Maîtres de l’information, de la mise en forme des lois et de leur application, les hauts fonctionnaires étaient souvent considérés comme les véritables décideurs ; leur influence était encore accrue par le parachutage systématique (amakudari : la descente du ciel) de milliers d’entre eux à des postes-clés du secteur privé ou semi-public. De son côté, le PLD était doté d’un conseil pour l’élaboration des politiques, où siégeaient tous les parlementaires, répartis dans des dizaines de commissions, dont l’accord préalable était indispensable avant que le gouvernement présente un projet de loi au Parlement. Travaillant à huis clos, ce conseil faisait prévaloir les intérêts des lobbies et ceux des parlementaires, face à un Premier ministre privé des dispositifs institutionnels qui lui auraient permis d’imposer sa volonté. La démocratie japonaise était une « partitocratie », dans laquelle le gouvernement était très faible face à sa propre majorité et à une administration érigée en véritable pouvoir autonome.
Cet état de choses est largement responsable des atermoiements des autorités face à la crise des années 1990. Sous la pression de l’opinion et des médias, le PLD avait multiplié les promesses d’instaurer le « leadership politique » pour « rendre aux citoyens le pouvoir usurpé par la bureaucratie ». Une réforme de l’administration centrale avait réduit de moitié le nombre des ministères (2001) et des mesures avaient tenté de donner au Premier ministre les moyens d’élaborer les politiques (renforcement de ses services, multiplication des commissions consultatives nommées à sa discrétion). Mais l’administration avait d’autant mieux préservé son pouvoir qu’elle était liée au parti gouvernemental par un demi-siècle de collaboration, qui avait dégénéré au fil du temps en collusion, et elle était de facto maîtresse des promotions et nominations en son sein.
Le nouveau gouvernement a porté le fer dans la plaie. Il a interdit aux fonctionnaires d’exposer dans les médias leur opinion sur les affaires courantes. Il a mis un terme aux réunions régulières où les plus hauts responsables des différents ministères se concertaient pour présenter un front uni face au pouvoir politique. Il décidera lui-même des nominations aux plus hauts postes. Chaque ministère a été doté, en sus du ministre, d’un vice-ministre et d’un secrétaire parlementaire chargés d’y imposer le fameux « leadership politique » (le PLD avait déjà flanqué chaque ministre d’un vice-ministre, mais ce duo travaillait avec les fonctionnaires dans un esprit conciliant dont ne devraient pas faire preuve les troïkas mises en place par le PDJ). Enfin, au sein du cabinet, un « ministre en mission spéciale » (tokumei tantô daijin) dirige une « commission de revitalisation de l’administration », chargée de rationaliser le fonctionnement de l’administration centrale pour en réduire le coût de 20 %.
Le défi de la démocratie
Le parti gouvernemental a lui aussi été écarté de l’élaboration des politiques. Le conseil qui y était chargé de cette tâche a été dépossédé au profit d’un « conseil de la stratégie nationale » créé au sein du cabinet. Les élus démocrates ont perdu jusqu’au droit de traiter les pétitions que les électeurs japonais ont coutume d’adresser à leurs représentants pour appuyer de multiples demandes d’intérêt local, et qui constituaient un ressort essentiel des pratiques clientélistes qui ont si bien servi le PLD. Les parlementaires, qui négociaient ces demandes directement avec les ministères concernés, devront désormais les transmettre au secrétaire général du parti – le très puissant Ozawa.
Ce dernier s’est donné pour mission d’en finir avec un mode de gouvernance dans laquelle les intérêts particuliers avaient mis la main sur le processus de décision et réduit les chefs de gouvernement au rang d’arbitres ou d’exécutants (hormis les plus décidés comme Koizumi). Nationaliste convaincu, Ozawa est conscient du handicap que cela représente sur une scène mondiale en proie à des changements accélérés. Il est à l’origine de la réforme électorale de 1994, destinée à favoriser une alternance, et de celle du financement politique, dont l’objectif caché était d’imposer l’autorité du parti aux élus en diminuant leur capacité à se financer par eux-mêmes. Il entend parachever son œuvre. L’interdiction aux entreprises et aux organisations syndicales ou professionnelles de financer les hommes politiques est au programme du PDJ. Elle priverait ce qui reste du PLD de l’essentiel de son financement, et minerait l’influence des lobbies. En mettant, pour ce qui est du financement public, les partis au régime, elle placerait définitivement les élus sous la coupe de l’état-major, détenteur des clés du coffre ; Ozawa en serait le premier bénéficiaire, en sa qualité de secrétaire général du PDJ. L’interdiction satisferait l’opinion, exaspérée par les multiples scandales politico-financiers qui émaillent la vie politique. Ozawa y a été impliqué une énième fois au lendemain même de la victoire du PDJ, et Hatoyama se voit reprocher d’avoir bénéficié de contributions illégales de sa mère, représentant environ huit millions d’euros. En finir avec la « fric politique » (kinkenseiji) révolutionnerait la démocratie japonaise. Mais les démocrates voudront-ils, tout bien considéré, se priver des ressources qu’ils ne manqueraient pas, étant au pouvoir, de capter ?
Le défi de la participation citoyenne
La restitution symbolique du pouvoir aux citoyens a été mise en scène lors de la préparation du budget 2010-2011. Sous l’égide de la « commission de revitalisation de l’administration », une petite partie des demandes budgétaires a été examinée par une commission d’élus, d’experts, de représentants du secteur privé, et de dirigeants associatifs. Les séances étaient publiques et retransmises sur internet... En dépit de ses résultats modestes, cet exercice inédit a remporté un vif succès d’opinion. Le gouvernement multiplie aussi les commissions consultatives – mi-task forces, mi-instruments de marketing politique – dont les débats seront aussi mis en ligne sur internet.
Sur ce dernier point, le PDJ reprend une stratégie déjà utilisée par Koizumi et, avant lui, par Yasuhiro Nakasone (1982-1987), pour tenter d’imposer leurs politiques de réforme. Les démocrates ne font qu’accélérer et radicaliser une évolution en cours depuis trois décennies pour moderniser un système politique parfois qualifié de « féodal » en raison de l’importance qu’y avaient les liens d’homme à homme et la distribution des prébendes, aussi bien pour les électeurs que pour les élus. L’instauration d’une gouvernance ramassée aux mains de l’exécutif, servie par les ressorts du populisme et de la communication moderne, rend le processus de décision plus réactif, voire « nerveux » – comme il est advenu dans le Royaume-Uni de Tony Blair, l’Italie de Silvio Berlusconi et la France de Nicolas Sarkozy. Dans un pays où la politique était traditionnellement un jeu subtil et lent d’ajustement des intérêts, cette évolution constituerait, comme le revendique Hatoyama, une révolution analogue à la reconquête du pouvoir par le palais impérial en 1868. Mais les Japonais, qui en attendent qu’elle sorte le pays de la crise économique et sociale, le supporteront-ils ?
Le défi de la refonte du modèle économique
À puissance vertueuse, crise injuste ?
Le Japon de 2010 reste une formidable puissance économique, même si la Chine vient de lui ravir la seconde place mondiale. Il produit autant qu’elle (8 % du PIB mondial, 10 % de la valeur ajoutée manufacturière) avec douze fois moins de population active. Si sa part des exportations mondiales a reculé de 8 % à 5 % depuis 2000, alors que celle de la Chine passait de 5 % à 9 %, c’est notamment parce que les grandes entreprises exportatrices de l’archipel se sont mises à l’heure de la mondialisation en délocalisant : une part des profits engendrés par les exportations « chinoises » leur revient… Enfin, le Japon reste le premier créancier du monde ; son patrimoine net à l’étranger, de 2 500 milliards de dollars (51 % de son PIB), lui rapporte bien davantage que son excédent commercial. Cette puissance financière est servie par : un système bancaire assaini après la catastrophe des années 1990 ; un taux d’épargne brute très élevé (27 % du PIB, contre 14 % aux États-Unis et 19,3 % pour l’Union européenne, UE) ; quelque 12 000 milliards de dollars d’épargne accumulée par les ménages.
Cela n’a pas empêché le Japon d’être très durement ébranlé par la crise mondiale causée par l’éclatement de la bulle des subprimes aux États-Unis. En 2008, ses exportations ont chuté de moitié. En 2009, son PIB a reculé de 5 % et le chômage a atteint un record historique de 5,7 % (un chiffre très sous-estimé par la méthode d’estimation utilisée). Cela peut sembler d’autant plus injuste que les banques japonaises s’étaient tenues pour l’essentiel à l’écart des actifs toxiques américains, et que le Japon recueillait enfin, sous forme de six années successives de croissance, les fruits des douloureuses réformes menées depuis le début du siècle. Mais si les Japonais se voient volontiers en victimes d’une crise importée, deux facteurs internes ont joué un rôle majeur dans leurs malheurs : la dépendance excessive de l’économie japonaise aux importations, et des réformes de type néolibéral menées en l’absence d’amortisseurs sociaux suffisants.
L’injustice faite aux ménages
Le modèle qui a fait du Japon la deuxième économie mondiale reposait prioritairement sur l’investissement des entreprises, au détriment de la consommation des ménages. Au début des années 1990, cette dernière ne représentait que 58 % du PIB, et la formation de capital fixe 19 % (contre 67 % et 12 % aux États-Unis). Cette sous-consommation relative faisait des exportations un moteur très important de l’économie. La situation défavorable faite aux ménages était aggravée par des prix très élevés sur le marché intérieur, où la concurrence était systématiquement limitée par l’administration, pour le plus grand bénéfice des entreprises. En conséquence, les Japonais ne vivaient pas aussi bien qu’ils l’auraient pu compte tenu de leurs performances économiques. Ils l’acceptaient parce que leur niveau de vie augmentait régulièrement, que la sécurité de l’emploi était garantie, et la distribution des revenus plus égalitaire qu’en Occident.
Ce modèle a été performant pendant trois décennies, mais ses défauts à long terme étaient patents. La régulation qui limitait la concurrence sur le marché intérieur entretenait la sous-productivité dans les secteurs qui n’exportaient pas. Celle-ci était à son comble dans les catégories archaïques clientélisées par le PLD – micro-paysannerie, petit commerce – qui achetait leur fidélité au prix de lourdes dépenses, notamment de travaux publics. Dans les années 1980, la mondialisation avait incité le parti gouvernemental, encouragé par une minorité clairvoyante du patronat, à entreprendre des réformes (privatisations, dérégulation). Mais cette politique avait achoppé sur la résistance des lobbies, avant que l’éclatement de la bulle financière en 1990 ne précipite le Japon dans la crise. Après avoir démesurément accru les déficits à coups de plans de relance pendant une décennie, le PLD se résigna à des réformes de type néolibéral. Le gouvernement Koizumi déréglementa, flexibilisa le marché du travail et tailla dans les dépenses de l’État, à commencer par les travaux publics. Il engagea aussi un processus de privatisation de la Poste, dans le but de mettre l’énorme gisement d’épargne que celle-ci contrôle au service de l’investissement privé.
Cette politique a rétabli la compétitivité des exportations, qui ont pris plus d’importance que jamais dans l’économie japonaise, bondissant de 11 % du PIB en 2002 à 17,5 % en 2007. Elles ont joué un rôle essentiel pour permettre à l’archipel de renouer avec la croissance pendant six années consécutives avant la crise de 2008.
Mais les revenus des ménages stagnaient, entretenant sur le marché intérieur une tendance déflationniste préjudiciable aux profits des entreprises, qui se tournaient d’autant plus vers l’extérieur. Les réformes néolibérales ont redynamisé le modèle centré sur l’exportation, mais, en aggravant le biais défavorable aux ménages, elles ont ruiné le compromis social qui le rendait acceptable, et ouvert un boulevard au PDJ.
Le défi au néolibéralisme
Koizumi promettait « la croissance après la souffrance » (itami ato seicho). Aujourd’hui, le tiers des emplois est précaire et le taux de pauvreté du Japon (15,7 %) compte parmi les plus élevés de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) après ceux du Mexique, de la Turquie et des États-Unis. Depuis 1995, le revenu annuel moyen des ménages a chuté de 6,6 à 5,5 millions de yens (environ 42 800 euros). Cette potion amère a été administrée en l’absence d’amortisseurs sociaux suffisants. Dans un pays où les entreprises et la famille jouaient traditionnellement ce rôle plutôt que l’État, la protection sociale s’est dégradée dès lors que les premières taillaient dans les coûts et que la seconde pâtissait de la baisse des revenus et de l’évolution des mentalités (forte augmentation du divorce et du célibat). Il n’y a parfois rien entre les dortoirs, où nombre de firmes hébergent leurs salariés temporaires, et la rue, en cas de licenciement…
L’accroissement criant des inégalités entre « gagnants » (kachigumi) et « perdants » (makegumi) ébranle l’identité nationale, dans un pays qui s’enorgueillissait d’une égalité relative des revenus plus forte que dans les autres pays avancés, et y voyait le gage de sa cohésion. Alors que le mécontentement gagnait, la crise et l’avènement du libéralisme laminaient les clientèles archaïques du PLD. Depuis 1990, plus du tiers des petits commerces et des très petites entreprises a disparu, ainsi que la moitié des micro-exploitations agricoles. Les coupes dans les travaux publics ont appauvri les zones rurales, où le BPT est souvent le plus gros employeur. Les stabilisateurs politiques du modèle se sont délités, et le PDJ, appuyé par les syndicats, a surfé sur le rejet des réformes de Koizumi et de la brutalité sociale.
Hatoyama a eu beau jeu de dénoncer, dans un manifeste qui a fait grand bruit, « le fondamentalisme du marché (…) dénué de toute morale et de toute modération », qui « détruit la dignité humaine ». Les démocrates entendent « remettre l’homme au centre de l’économie », aider les ménages plutôt que les entreprises, revaloriser le lien social et préserver les services publics. Ils ont arrêté la privatisation de la Poste, promis d’augmenter le salaire minimum horaire de 40 % pour le porter à 1 000 yens (7,7 euros) et d’interdire les formes les plus précaires du travail dans l’industrie. Ils vont améliorer massivement les prestations sociales : allocation mensuelle de 26 000 yens (200 euros) par enfant jusqu’à la fin du collège, gratuité réelle de l’éducation publique, meilleure indemnisation du chômage, création d’une retraite minimum de 70 000 yens (environ 540 euros) avec dix années de cotisation. Les catégories archaïques abandonnées par le PLD n’ont pas été oubliées. Aux petites entreprises, le PDJ a accordé une baisse d’impôt et jusqu’à trois ans de moratoire pour le paiement d’une partie des intérêts de leurs crédits bancaires. Pour la micro-paysannerie agonisante, il va remplacer les subventions à la production par un soutien direct aux revenus. En sus de ces largesses, les démocrates ont promis de réduite la fiscalité sur l’essence, de supprimer les péages autoroutiers, et de geler à 5 % le taux de la taxe à la consommation pendant toute la durée de la législature.
Le défi du financement des promesses
Alors que la dette publique approche 200 % du PIB et que son service représente plus de 20 % des dépenses de l’État, les promesses du PDJ coûteront au moins 2,25 % du PIB par an de 2010 à 2014. Le nouveau gouvernement se faisait fort de trouver une bonne partie des ressources nécessaires en rationalisant les dépenses de l’État. Le budget 2010-2011 l’a ramené à la réalité : les recettes ont fondu avec la crise et la « chasse au gaspi » n’a guère rapporté. Le déficit budgétaire, que Koizumi avait ramené autour de 2,5 % du PIB, a bondi à 9 %. Pour la première fois dans l’histoire, l’État sera financé par l’emprunt davantage que par les recettes fiscales.
Le PDJ commence à faire machine arrière. La suppression des péages autoroutiers est prudemment « mise à l’essai » dans quelques endroits, et le gouvernement va engager une réflexion approfondie sur le système fiscal. Depuis deux décennies, le patronat et le ministère des Finances recommandent l’augmentation de la taxe à la consommation, établie à 3 % lors de sa création (1989), portée à 5 % en 1996, mais que nul n’a osé modifier depuis. Le PDJ assure ne pas vouloir procéder à cette augmentation, mais à peine 10 % des électeurs croient en cette promesse, en sorte que le prix politique d’un reniement ne serait pas rédhibitoire au regard des quelque 10 000 milliards de yens (quelque 80 milliards d’euros, soit environ le tiers du déficit prévu par le budget 2010-2011) que cela rapporterait à l’État. Mais cette lourde ponction sur les ménages ruinerait la perspective d’un recentrage de l’économie sur la consommation intérieure, qui constitue le credo économique des démocrates, laisserait le Japon dépendant comme jamais du commerce international, et risquerait de casser toute reprise.
La situation n’est pourtant pas désespérée. Le PDJ peut puiser, comme le PLD avant lui, dans les « trésors cachés » de l’État : l’équivalent de 1 600 milliards d’euros sous forme de « comptes spéciaux » et autres « fonds de réserves ». En outre, le retour des fonds postaux sous le contrôle de l’État lui rendra la disposition plus ou moins libre de ce qui était sa tirelire la mieux garnie. Par ailleurs, l’endettement net de l’État (déduction faite de ses avoirs) ne représente que 107 % du PIB, et les bons du Trésor sont aujourd’hui souscrits à 93 % sur le marché local, à des taux guère supérieurs à 1 %. Le nouveau gouvernement n’est donc pas aux abois. Mais le volontarisme des démocrates ne peut rien contre le fait que le vieillissement de la population conduit les dépenses publiques à la hausse, et que les économies sur les dépenses de l’État sont limitées dans un pays où les fonctionnaires ne comptent que pour 5 % de l’emploi total. Le PDJ devra aussi résoudre la contradiction existant entre sa volonté de réduire les gaspillages clientélistes et la nécessité de fidéliser les circonscriptions rurales qu’il a gagnées en 2009. De même, il ne s’assurera pas la coopération des gouvernements locaux en diminuant les transferts financiers, que le budget 2010-2011 a ramenés à leur niveau d’avant les coupes opérées par Koizumi.
Ces largesses devraient permettre aux démocrates de passer le test des élections sénatoriales en juillet 2010. Mais au-delà, l’avenir de leur projet se jouera sur le retour à une croissance durable et endogène.
Le défi d’un nouveau modèle
Le PDJ parie que la stimulation de la demande des ménages ne nuira pas à la compétitivité des entreprises rétablie par les réformes du début du siècle, en sorte que, le moment venu, le Japon surfera sur la reprise mondiale avec toutes ses ressources financières, productives et technologiques. Les atouts que l’archipel possède lui dictent ses priorités stratégiques. Champion de l’efficacité énergétique (à production égale, il consomme deux fois moins d’énergie que l’Europe et les États-Unis, et neuf fois moins que la Chine), le Japon se veut à la pointe de toutes les formes du développement durable. Maître en processus de production et d’automation (il fait travailler 45 % du parc mondial de robots industriels), il peut fournir en équipements les nouveaux « ateliers du monde ». Deuxième puissance en matière de recherche et développement, il entend préserver face à ces nouveaux venus l’avance technologique qui fait de lui le champion des exportations de biens à très haute valeur ajoutée, et créer les produits et les marchés du futur dans des domaines aussi variés que les nanotechnologies, les neurosciences, les biotechnologies ou les nouveaux matériaux. Fort des réseaux tissés par ses grandes entreprises et ses maisons de commerce, de ses investissements à l’étranger et de sa puissance financière, le Japon est en mesure de jouer un rôle de premier plan dans les services, l’intermédiation et le financement de l’économie-monde. Entre revenus financiers et exportations high tech, rentes et production, il a de quoi réinventer un modèle économique prospère – mais qui n’en ira que mieux s’il s’appuie aussi sur un marché intérieur robuste.
Deux facteurs pourraient mettre à mal cette stratégie : l’évolution de la démographie et la montée en puissance de la Chine. Avec un taux de fécondité d’environ 1,3 enfant par femme, la population nippone diminue et vieillit massivement ; en 2025, le Japon aura perdu 10 millions d’habitants et 30 % des Japonais auront plus de 65 ans. Le nombre d’actifs aura diminué de 8 millions, et 40 % d’entre eux auront plus de 50 ans. La croissance potentielle, la consommation intérieure et, peut-être, la créativité diminueront d’autant. Pour relancer la natalité, les démocrates parient sur les incitations financières, de meilleures infrastructures d’accueil pour les jeunes enfants et le retour de l’optimisme. La diminution de la population active pourrait être compensée par l’automation, le recours à une immigration non pérenne encadrée par des contrats bilatéraux passés avec des pays exportateurs de main-d’œuvre ou de matière grise, et de meilleures conditions offertes aux femmes qui travaillent : si le taux d’activité de celles-ci égalait celui des hommes, la population active resterait à son niveau actuel.
Le géant chinois, dont les progrès technologiques sont rapides, constitue un concurrent de plus en plus redoutable pour le Japon. Mais c’est aussi son premier partenaire commercial, un marché de consommation gigantesque, une terre d’accueil pour les délocalisations, et le destinataire privilégié des pièces détachées que les entreprises nippones produisent ailleurs en Asie. Une Asie dont la crise de 2008 a fait plus que jamais le moteur principal de la croissance mondiale, qui se constitue en une zone de libre-échange pour laquelle Hatoyama rêve d’une monnaie unique, et vers laquelle le PDJ entend recentrer la politique étrangère du Japon.
Le défi du repositionnement international
Autant que la préparation du budget et les scandales financiers, la politique étrangère a fait la une depuis l’accession du PDJ au pouvoir. Elle est centrée sur trois axes : l’établissement d’une « relation d’égal à égal » avec les États-Unis, les relations avec la Chine, et une implication plus grande dans le processus complexe d’une construction régionale en Asie.
États-Unis : vers une « relation d’égal à égal » ?
Les démocrates ont été accueillis avec méfiance à Washington. Paru tronqué dans le New York Times, le manifeste d’Hatoyama [Ma philosophie politique] a été perçu comme une charge inadmissible de la part d’un pays qui doit énormément aux États-Unis, mais les a fort peu soutenus depuis que dure la « guerre antiterroriste ». Dans l’opinion américaine, la cote de confiance du Japon oscille autour de 60 % ; mais, au Japon, celle du grand protecteur n’est que de 30 %. En sus des complexités de la relation d’amour-haine liant le Japon à une puissance qui a été tout à la fois le vainqueur, le pygmalion et le protecteur de l’archipel, ce désamour tient à de multiples facteurs : le sentiment général que l’hégémon américain mène le monde dans la mauvaise direction ; la crainte de le voir adouber la Chine comme partenaire privilégié dans la gestion des affaires mondiales ; le sentiment que Washington, en négociant avec la Corée du Nord, néglige le fait que l’archipel se trouve à portée des missiles de Pyongyang et ne se préoccupe guère du drame des Japonais kidnappés par les services secrets nord-coréens ; et – last but not least – l’irritant permanent que constituent les bases militaires américaines avec leur cortège de nuisances et d’incidents plus ou moins graves, notamment à Okinawa, où stationnent 75 % des effectifs américains, dans trente-sept camps qui accaparent 11 % de la superficie de l’île.
Durant sa campagne électorale, le PDJ a mis en exergue sa volonté de contraindre les États-Unis à « une relation d’égal à égal » – d’autant plus qu’il s’est associé au Parti social-démocrate, héritier d’un socialisme qui a toujours rejeté l’alliance américaine, et avec le PP, dont le chef cultive un populisme volontiers anti-américain. Sitôt installé, le nouveau gouvernement s’est trouvé confronté au problème du redéploiement des forces américaines à Okinawa, décidé en 1996 après une vague de manifestations violentes causées par le viol d’une collégienne par trois GI. Les accords conclus avec le PLD prévoyaient que Tokyo financerait à hauteur de 6,5 milliards de dollars le départ de 8 000 marines vers Guam, et que la très dangereuse base aérienne de Futenma, enclavée en plein milieu de la ville de Ginowan, serait déplacée sur un site plus sûr, mais dont les habitants n’en veulent pas. Le PDJ a remis ces accords en question, à la grande colère de Washington. Entre les atermoiements et les volte-face d’Hatoyama, la cacophonie au sein du cabinet et de maladroits ultimatums américains, l’affaire a donné une image déplorable des capacités diplomatiques des démocrates, et miné le leadership du Premier ministre.
Tokyo n’a rien cédé non plus sur la loi qui, depuis 2003, permettait à la marine japonaise de ravitailler en carburant les forces de la coalition opérant en Afghanistan. À son expiration, en décembre 2009, elle a été remplacée par une aide de cinq milliards de dollars au gouvernement de Kaboul. Washington n’a pas apprécié non plus que Hatoyama quadruple inopinément, avant le sommet de Copenhague sur le climat, les proposition faites par le PLD en matière de réduction des émissions japonaises de gaz à effet de serre, voyant dans cette annonce une manière démagogique de dénoncer celles des États-Unis et de revendiquer le leadership sur un sujet porteur dans l’opinion mondiale.
Pour autant, nul n’envisage la rupture d’une alliance nippo-américaine qui fête en 2010 le cinquantenaire du renouvellement du traité de sécurité qui la cimente. Car si Tokyo veut enjoindre son surpuissant partenaire de mieux respecter ses intérêts nationaux, il n’entend pas pour autant se retrouver enfermé sans protection dans la cage asiatique avec le tigre chinois.
La Chine, ou l’impossible équation ?
Si les Japonais ont pris sans trop de mal leur parti du fait que la Chine leur ravisse la place de deuxième économie mondiale, le renversement en cours de la puissance sur le théâtre asiatique n’en crée pas moins une rivalité structurelle entre l’archipel et son voisin géant, qui entend retrouver la prééminence régionale qui a été la sienne au long de l’histoire. Sur fond de polémiques sans fin sur la mémoire douloureuse de l’agression japonaise, les relations entre Pékin et Tokyo étaient tombées au plus bas lors du ministère Koizumi. Des milieux d’affaires, inquiets pour leurs intérêts en Chine, ont convaincu les gouvernements suivants de désamorcer les tensions. Les Premiers ministres japonais ont cessé de visiter le fameux sanctuaire Yasukuni, et les premiers sommets trilatéraux réunissant depuis 2008 le Japon, la Chine et la Corée du Sud, se sont bien déroulés. Mais sous l’impulsion d’Ozawa, le PDJ semble vouloir aller beaucoup plus loin. Du 10 au 13 décembre 2009, le secrétaire général du PLD a emmené 143 députés démocrates présenter leurs hommages aux dirigeants chinois, puis coréens ; avant de susciter la polémique en obtenant une audience impériale pour le vice-président chinois Xi Jinping sans respecter le délai imposé par l’étiquette.
Mais si la volonté d’établir un dialogue avec Pékin est manifeste, ce qu’en attend Tokyo est peu clair. Les objectifs du Japon sont-ils stratégiques ? Le Japon entend-il éviter un dérapage toujours possible en Corée du Nord ou dans le détroit de Taïwan ? Désamorcer les conflits avec la Chine à propos de la souveraineté sur les rochers Senkaku, de la délimitation des zones économiques en mer de Chine, et du refus chinois de reconnaître celle que Tokyo revendique autour de l’îlot Okinotorishima ? Mettre en place des mesures de confidence building, voire coopérer avec la marine chinoise pour assurer la police des mers asiatiques ? Convaincre Pékin de modérer la croissance de son budget militaire, qui a triplé depuis 2000 ? Est-ce l’Asie que la diplomatie japonaise a en tête, et rêve-t-elle de constituer avec la Chine, à l’instar du couple franco-allemand, le moteur d’une intégration régionale ? Les ouvertures de Tokyo s’inscrivent-elles aussi sur la scène mondiale ? Visent-elles à dissuader Pékin de dialoguer en tête-à-tête avec Washington sur l’avenir du monde, ou à convaincre la Chine de lever son opposition au désir du Japon d’obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU ?
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